A vrai dire, je n’ai pas saisi immédiatement pourquoi cette ville m’a plu. Pourquoi, en fin de compte, je devais m’y installer définitivement. Et puis un jour, des mois après mon arrivée, j’ai réalisé : il n’y avait pas d’affiches de publicité. Seuls résistaient les panneaux des abris bus et d’information de la municipalité. Partout ailleurs, dans l’ensemble de la commune, pas une affiche de publicité, pas un panneau Decaux superflu, pas une sollicitation importune. On y avait préféré de nombreuses parures florales. Et, si publicité et annonces il y avait, c’était par le biais des revues gratuites qui circulaient, leur offrant un chiffre d’affaires qui n’allait pas dans l’affichage, la gazette communale accueillant le reste. J’apprends que la ville de Paris vient de se doter d’une charte modifiée de sa politique d’affichage. Interdiction de pub auprès des écoles, limitation des affichages de plus de 12m² et obligation d’une distance minimale de 25 mètres entre deux panneaux d’affichage. C’est bien, mais c’est peu. Oui bien peu ! Car, saturés qu’ils sont des affichages les plus divers, peu de gens réalisent à quel point la pollution visuelle est devenue une agression constante, subtile, dont ils n’ont pas vraiment conscience. Sans doute faut-il beaucoup de courage aux élus pour décider de se passer de la manne des redevances due à la multiplication des affichages. Citadins, nous sommes maintenant tellement habitués à la prolifération des affichages publicitaires que nous n’avons même plus conscience des multiples sollicitations dont nous faisons l’objet. Mais que dire maintenant lorsque sur Internet nous découvrons les vidéos des horreurs, des conflits et de la misère humaine, avec en bas de l’écran, un bandeau mobile où sommes invités à tester une nouvelle voiture sur fond de massacres en Centre Afrique, à visiter un centre commercial sur fond d’écran d’enfants blessés ou mourants, d’écouter un témoignage émouvant de la répression féroce aux opposants d’un dictateur sur un écran où circule une annonce idyllique pour un village de vacances. L’indécence est à son comble sans que personne ne s’en émeuve. Preuve supplémentaire, s’il en fallait encore, de la perte de tout sens moral où nous entraîne une publicité anarchique et incontrôlée. Pourtant il existe des dispositifs techniques qui empêcheraient ces collisions insupportables, mais qui le veut, face à une presse en ligne prête à toutes les bassesses pour assurer la pérennité de son « modèle économique ». Qui voudrait mettre un peu d’éthique alors même que la publicité sur nos écrans de télévision se complait dans le détournement graveleux et mercantile de nos sentiments les plus nobles, la justification d’incivilités ou des voyous deviennent des héros, ou l’utilisation d’images ou de musiques magnifiques et émouvantes justifient nos appétits de consommateurs compulsifs. Petit à petit, jour après jour, la communication publicitaire grignote nos repères moraux, justifie notre matérialisme et notre cynisme au point que nous devenons insensibles à l’indécence de certaines publicités et de certaines pratiques des agences de communication. Nos élus semblent n’avoir guère de temps ni d’attention à consacrer à ces écrans « qui utilisent le cerveau disponible des français », pourtant, ils devraient. Leurs citoyens passent plus de temps devant leurs écrans que dans leurs meetings. Je ne crois pas utile d’entrer en guerre totale contre la pub, mais très certainement contre ses excès, son manque d’éthique et sa prolifération anarchique. Ne comptez pas sur le BVP (Bureau de Vérification de la Publicité) pour y mettre un peu d’ordre. Juge et partie, le BVP s’’est doté d’un Comité d’éthique en 2005. Ses membres ne doivent pas passer beaucoup de temps en commission ou devant les écrans si j’en crois son activisme très discret. Si la nouvelle charte de l’affichage publicitaire de la ville de Paris va dans le bon sens, je reste persuadé que, sur ce sujet, qui ne mobilise pas grand monde malgré les effets pernicieux et nauséabonds de certaines pratiques, il y a encore beaucoup à faire. Dites-le ! Bon Dieu, dites-le !

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A propos de l'auteur

Denys

Denis Ettighoffer, est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Ses nombreux livres sont autant de contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Le voilà lancé dans une aventure comme il les aime, être reconnu à la fois par son imagination (pas le plus dur !) mais aussi comme un bon artisan de l’écriture romancée ( et ça c’est pas gagné !)

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