« Oui, c’est vrai j’ai une préférence pour les musiques qui me rappelle les terres de l’Est, la Géorgie, la Russie mais aussi, je tiens à le souligner, la France, terre de mes ancêtres. Mais c’est vrai encore, je trouve que les russes sont extrêmement sensibles à la musique et aux émotions qu’elle procure. Il m’est arrivé de penser que cela est sans doute dû à la dureté de leur vie. Je connais peu de peuples qui ont eu à subir autant d’avanies de la part de leurs dirigeants que ce soit du temps des tsars ou de celui du régime communiste.  D’ailleurs je crois que leur caractère qui va de l’impulsivité amicale à la détestation la plus sauvage tient à la maltraitance dont ils ont été les victimes durant des siècles. Là encore, si les européens connaissent les atrocités ou les abus de pouvoirs de leurs anciens dirigeants et nobles – je pense par exemple à l’odieux droit de cuissage – ils ont duré bien plus longtemps en Russie. Je ne suis pas certaine que cela soit fini. Bon mais laissons cela.  Revenons à la musique.

Elle est d’abord l’âme d’un peuple. Un peuple russe qui devait « produire » et « écouter » une musique accepté par la censure communiste. Cette censure venait aussi – on le sait peu – de l’Église orthodoxe qui tenait la musique pour une activité diabolique, source de pêché. Elle aura sans doute interdit l’émergence de grands talents. Durant des décennies, la Russie a été ainsi coupée des influences occidentales. Depuis les années 1830 et suivantes Pierre le Grand fit importer de la musique essentiellement italienne. Lui disparut, la Russie fut coupée de l’influence romantique et post romantique allemande. Plus tard, sous le régime communiste, l’imitation ou la reproduction de musique « occidentale » étaient considérées comme contraire aux intérêts de la nation russe. Qui se souvient encore que la jeunesse russe risquait de terribles punitions pour avoir importé et fait écouter du rock américain en réunion ?  J’ai d’ailleurs mis la main sur un livre rare qui décrit excellemment cela : Musique chez les soviets : l’agonie d’un art. Atroce. Mais, comme toujours, il a un bien dans un mal. Paradoxalement cela aura imposé aux rares compositeurs de « s’inventer » une production spécifiquement russe comme celle de Michael Glinka qui reste peu connu du grand public. Certaines pourtant sont d’une grande inventivité. Savez-vous, certains sont même devenus célèbres. Ecoutez – elle se met à jouer une pièce russe bien connue. Cela a eu pour autre conséquence de cantonner la société Russe aux chants ce qui, il faut le reconnaitre, en a fait un peuple chantant. Peu de gens ignorent la chanson de  Katyusha. Ce qui n’est pas si courant. »

 

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A propos de l'auteur

Denys

Denis Ettighoffer, est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Ses nombreux livres sont autant de contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Le voilà lancé dans une aventure comme il les aime, être reconnu à la fois par son imagination (pas le plus dur !) mais aussi comme un bon artisan de l’écriture romancée ( et ça c’est pas gagné !)

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