Cher Denys,
J’ai lu, relu, avec beaucoup de plaisir ces pages passionnantes… Avec un réflexe de « vieux prof habitués aux copies universitaires », j’ai commencé par annoter en marge certaines réflexions « spontanées ». Puis je me suis laissée prendre par la narration. Après une mise à distance, voici mon ressenti de musicothérapeute… Votre héroïne met en œuvre des démarches de détente psycho-musicale, souvent dans une approche de méditation musicale. Elle adapte ses propositions sonores à l’observation qu’elle fait de ses patients sur l’instant, se mettant ainsi en écho de leurs réponses conscientes ou non. Elle propose aussi des actions de type « musicothérapie dynamique » avec sollicitation d’une réponse active des patients. Il s’agit bien, dans ces deux cas, des démarches habituelles du musicothérapeute. Cependant, dans la pratique, nous nous référons à un cadre bien établi, ceci afin d’éviter deux déviances que vous évoquez, à savoir, le « charlatanisme » et l’approche stéréotypée du genre « Music care » à visée essentiellement commerciale…
Vos recherches vous ont certainement amenés à comprendre la rigueur du processus musicos-thérapeutique dont le cadre est le suivant : le musicothérapeute n’intervient qu’en appui sur une prescription médicale qui après avoir posé un diagnostic indique les modalités de l’intervention, la durée et le nombre des séances. Le musicothérapeute procède alors à l’anamnèse dont il consigne les constats dans le dossier du patient. Il procède alors à différents tests qui lui permettent d’établir un schéma initial, un point de situation de départ. Cette étape est de la première importance, d’une part ces « observations consignées » lui permettent de rester en deçà de sa propre émotion au moment de l’évaluation de la séance, d’autre part elles sont un guide efficace dans le choix des supports musicaux qui seront proposés au patient, soit préparée en amont de la séance, soit interprétée, ainsi que le fait votre héroïne en réponse à ses réactions accueillantes ou de refus. Chaque séance donne lieu a un bilan qui est consigné au dossier, périodiquement, des bilans intermédiaires permettent d’évaluer le chemin parcouru (ou non) et de réajuster les propositions et les démarches pour les séances suivantes. Le dossier est consulté régulièrement avec le médecin prescripteur qui ajuste ses consignes induisant ainsi la poursuite du traitement.
Ce sont les arguments et commentaires que vous opposeront les musicothérapeutes grincheux ou orthodoxes… qui pourraient ainsi critiquer bien injustement votre ouvrage. Je dis, bien injustement, alors que je suis parfois « grincheuse » et souvent « orthodoxe » en la matière… parce que votre musicothérapeute est complètement en « tri sur l’autre » lorsqu’elle met en œuvre ses séances d’écoute et de partage musical. La richesse de la panoplie de son jeu instrumental et de son répertoire et sa sensibilité lui permettent d’être à l’écoute du non-dit, de l’attente inconsciente ou non formulée de ses patients et d’apporter une réponse qui favorise l’ouverture des canaux de communication, ce qui est l’objectif recherché. La richesse des propositions sonores et l’implication de cette jeune femme viennent enrichir cette relation qui devient ici thérapeutique, amenant le patient vers le mieux être attendu. Reste que « les dits grincheux » vous opposeront que la thérapie s’appuie sur un protocole qui ici n’est pas respecté…
Dès lors, je me permets de vous proposer, puisque vous avez sollicité mon regard, d’apporter une précision dans votre récit, au passage qui vous paraîtra opportun (mais peut-être l’avez-vous fait et ne l’ai-je pas perçu ?) mettant en évidence que cette jeune musicienne, après une découverte empirique de l’impact de la musique sur l’être en souffrance, expérimente différentes démarches qui l’amèneront progressivement ou pas, mais par un choix assumé vers l’application des protocoles imposés aux musicothérapeutes.
J’espère, cher ami, avoir répondu à votre attente et reste avec plaisir à votre disposition. Avec mes meilleurs sentiments, ***