Tout à leurs discussions, chamailleries et autres controverses sur le bien-fondé de tel ou tel aménagement de la retraite à points, les acteurs publics semblent avoir un peu oublié l’essentiel. Les comptes de l’assurance retraite sont déjà dans le rouge et cela ne va pas s’arranger, y compris pour les complémentaires. Le déséquilibre du financement (moins de cotisations, plus de bénéficiaires et pour plus longtemps) est en train de mettre en grave danger les retraites promises à nos enfants, aux jeunes générations. Il ne faut pas s’étonner que les corporations, les caisses les mieux dotées, n’aient pas envie de changer quoi que ce soit à leur bonne fortune. La solidarité on veut bien : « mais pas la payer, nous ! » ni réduire sa part du gâteau bien sûr.
Bon. La façon dont les gouvernements successifs ont géré les finances publiques dédiées à la retraite a de quoi nous rendre méfiants. On ne compte plus les hold-up institutionnels de Bercy pour boucher ses trous comptables en faisant de la cavalerie et en piquant dans les caisses les mieux gérés afin de financer les caisses des régimes spéciaux. Que les retraités intéressés trouvent cela tout à fait normal en dit long sur l’idée qu’ils se font de l’égalité des citoyens devant l’impôt et les charges de la collectivité nationale. Passons.
Dans un dossier aussi complexe où l’on n’entend pas beaucoup ceux qui – comme moi- ont plutôt bien vécu la retraite à points en tant que libéral – on ne peut que s’interroger sur la méthode employée pour mener la transition souhaitée par le gouvernement. Si la réussite est dans l’art de l’exécution, je doute. La coagulation des opposants va envoyer dans le fossé le meilleur des propositions faites aux Français qui méconnaissent majoritairement les mécanismes économiques et les dangers de la situation actuelle. Ne fallait-il pas commencer par cela ? Mettre l’accent sur les problèmes posés par le système actuel qui me fait penser à l’arnaque de Ponzi. Ensuite pourquoi n’avoir pas mis l’accent sur les plans d’épargne retraite « new âge », c’est-à-dire qui ne seraient débloqués qu’au départ à la retraite et surtout bonifié selon la situation professionnelle et le profil de la famille ? Pourquoi aussi n’a-t-on pas anticipé les réserves ou les réticences des futurs ayant droits sur des questions évidentes, comme la gestion des « gains particuliers » (maladies, maternité, congés, enfants, âge, pénibilité etc…) après tout, il existe déjà des réponses dans différents régimes.
Mais le plus important, puisque je parle de « méthode » est d’avoir oublié ce simple adage « Qui trop embrasse, mal étreint ». Pourquoi diable s’être lancé dans une structuration aussi ambitieuse en s’attaquant à toutes les forteresses syndicales et corporatistes à la fois. Curieux général qui disperse ses arguments, ses forces, sans pouvoir utiliser ses alliés autres que ses collègues du gouvernement. Il est clair que la mise à niveau progressive de certains régimes ne pouvait être que bien vue par des français qui comprennent que « les plus égaux que les autres » ça suffit ! De même, une modification du statut de la fonction publique et de sa participation au financement de ses propres retraites ne me semblait pas devoir être considérée comme sacrilège alors que le budget de l’État s’essouffle à faire face aux centaines de milliards à prévoir.
Pour une fois la politique des petits pas me parait indispensable. Le grignotage progressif des avantages insupportables de certains et la mise en évidence du danger de voir notre système de retraite s’effondrer me paraissent plus importants que les déclarations d’un système idéal qui passeraient de 42 régimes à un système de retraite unique pour tous. C’est de l’enfantillage et je pèse mes mots. Si on pouvait le réduire à une dizaine de régimes d’ici à 2050, cela serait déjà un grand succès. Donc on revient à la vraie question : par quoi et par qui on commence ?