Année après année, mois après mois, j’ai vu mes points diminuer, partir, disparaître. Chaque fois des péchés véniels qui au fil du temps sont devenus un péché capital : je suis devenu un danger public. Une fois parce que je roulais à 60 au lieu de 50 km/heure (j’avais oublié qu’un emmerdeur avait réduit encore la vitesse autorisée) sur les quais dégagés de la Seine, ce jour-là, à 6 heures du matin.  Une autre fois c’est un dépassement sur autoroute qui m’amène au 140 à l’heure à portée de radar. Banco. Une autre fois encore, c’est un virage à droite triptyque « passage piétons » « double feux » à trois mètres de distance l’un de l’autre sur un rondpoint qui me fait tomber. Un gros camion devant moi m’a bouché la vue, il est passé, j’ai suivi. Je n’ai pas vu le deuxième feu, je regardais s’il n’y avait pas de piétons à écraser. Manque de chance, il n’y en avait aucun. Mais la maréchaussée qui connaît les bons coins où faire des affaires était là. Pénalty, carton jaune. Je râle. Lettre à Baudin, l’ayatollah de la voiture à Paris. Il s’en fout. Que la circulation devienne un vrai piège à faire des contraventions lui va bien. Les panneaux, les feux et les sens de circulation sont devenus un vaste foutoir. La où nous pourrions circuler de façon fluide et dynamique, nous voici de plus en plus confrontés à la réglementation et à ses interprétations parfois stupides. Me voici condamné à payer une fois de plus. Mon assureur se désespère de mon bonus maximum malgré des dizaines de milliers de kilomètres parcourus chaque année. Depuis des décennies, en dehors de bobos de parking rien n’est venu ternir nos relations, par contre avec la maréchaussée, ce n’est pas l’amour. Autrefois, j’étais un automobiliste ordinaire qui conduisait en fonction à la fois de la réglementation, de l’état de la route et de la densité de la circulation. Aujourd’hui, je suis un conducteur qui stresse face à l’explosion de multiples panneaux indicateurs mélangés à ceux de la publicité – quand ils ne cachent pas les premiers. Je stresse parce que je suis mobilisé par la surveillance simultanée de mon compteur de vitesse et la recherche des petits bleus qui veulent mes sous en multipliant les traquenards. Je me croyais un conducteur des plus ordinaires. Non, je suis un gibier qu’il faut tirer à la première occasion ! Ce matin, 140 kilomètres heures, pas un chat sur l’autoroute de l’A10 vers Bordeaux à 7 heures du matin. Flash ! Bonus… pardon… Malus aux points : bientôt la peine capitale : retrait du permis ou stage de récupération. Stage où l’on va me démontrer que je suis un danger public parce que je roule en fonction de l’état de la circulation et que d’autres sanctionnent au point que la sanction n’est plus pédagogique mais source d’iniquité ! Que je sois, par obligation professionnelle, un conducteur aguerri titulaire d’un bonus d’enfer ou un conducteur du dimanche d’une voiture toute cabossée, cela ne fait pas de différence. Je reste du gibier. Une suggestion : la première contravention sans frais et avec un avertissement ? Est-ce trop demander ? Peut-être un peu de tolérance bientôt me dit-on.

 

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A propos de l'auteur

Denys

Denis Ettighoffer, est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Ses nombreux livres sont autant de contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Le voilà lancé dans une aventure comme il les aime, être reconnu à la fois par son imagination (pas le plus dur !) mais aussi comme un bon artisan de l’écriture romancée ( et ça c’est pas gagné !)

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