Savoir lire. Les spécialistes du renseignement ont une règle empirique dite des «90 – 9 – 0,9% » selon laquelle l’accès à l’information ne pose pas de problème dans 90% des cas. Dans 9% des cas, il faut savoir qu’elle existe mais se trouve peu diffusée. Seulement 0,9% de l’information est réellement confidentielle ou secrète, le 0,1% restant n’existe pas encore. L’ouvrage de John Mc Phee illustre cette règle : l’auteur a écrit un manuel complet de fabrication d’une bombe atomique dans sa cave, ne se servant que de documents écrits disponibles dans des bibliothèques publiques universitaires américaines[1]

Savoir interpréter. En matière d’espionnage, il convient de ne jamais oublier que 99% des informations que l’on cherche sont déjà là, sous nos yeux, dans des documents, des reportages, des articles de presse. Il suffit d’avoir la curiosité suffisante pour les chercher. Une évidence pour Brice Konrad qui savait que le renseignement, un bon renseignement, pouvait peser plus que plusieurs régiments. Il dévorait les ouvrages relatifs à « l’Intelligence Service », les méthodes de manipulation et d’infiltration utilisées par les communistes, véritables champions toutes catégories en la matière.  Il avait un héros : Berthold Jacob. Cet expert de l’analyse avait le don pour repérer, dans la moindre rubrique mondaine, nécrologique, diplomatique et autre, des évènements qui lui permettaient d’anticiper les mouvements ou les intentions des états-majors hitlériens. Son efficacité était si impressionnante que, durant la dernière guerre, les services du Reich décidèrent de l’enlever. Attiré dans un piège en Suisse par un soi-disant contrat littéraire, endormi grâce à un sédatif puissant, il se réveilla en Allemagne nazie au siège de la Gestapo, dans la Prinz Albrecht Strasse où l’attendaient le patron des services secrets du Reich, le colonel Nicolaï et ses collaborateurs. La question qu’on lui posa était des plus simples :

— Dites-nous, Monsieur Jacob ! Où avez-vous puisé tous les renseignements que vous donnez dans votre maudit livre ?

Et notre captif, pas rassuré, d’expliquer que tout ce qu’il racontait se trouvait dans la presse. Il suffisait de savoir la lire et l’interpréter. Durant ce temps, en Suisse, l’épouse de Jacob remuait ciel et terre afin de le récupérer. L’affaire tourna à l’incident diplomatique, ce qui sauva la vie à notre analyste qui fut retrouvé dans les geôles de la Gestapo d’où il repartit vivant vers la Suisse. Malheureusement, il devait être considéré comme trop précieux… ou dangereux… il fut enlevé une deuxième fois. Pour disparaitre à jamais.

[1] John Mc Phee, The Curve of Binding Energy (La courbe de l.énergie de liaison), réédition, Noonday Press, 1994

Précédent

Les lois fondamentales de la stupidité humaine

Suivant

Armonie avait une fascination pour Mahler

A propos de l'auteur

Denys

Denis Ettighoffer, est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Ses nombreux livres sont autant de contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Le voilà lancé dans une aventure comme il les aime, être reconnu à la fois par son imagination (pas le plus dur !) mais aussi comme un bon artisan de l’écriture romancée ( et ça c’est pas gagné !)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Voir aussi