Le crime organisé au Monténégro. Kotor, Monténégro : la petite station balnéaire sise au creux d’un fjord donnant sur l’adriatique a tout du cliché de carte postale. Ses vieilles rues, ses murailles, ses monuments vénitiens sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco et attirent, chaque année, près de 850 000 visiteurs du monde entier, dont les yachts et paquebots de croisière mouillent au large. Mais la première ville touristique du Monténégro réserve également un tout autre type d’attraction : règlements de compte à répétition, fusillades, présence de plusieurs dizaines de membres encagoulés des unités antiterroristes monténégrines, blindés des forces de l’ordre… Kotor est devenue, bien malgré elle, le théâtre de la guerre entre les narcotrafiquants qui sévissent à l’échelle de la région. Une « ville otage » des trafiquants de cocaïne, selon les propres mots de l’ancien ministre de l’Intérieur, Goran Danilovic, qui reflète le drame d’un pays vivant sous le joug du crime organisé. Avec la bénédiction des plus hautes autorités de l’Etat. Selon le leader du Front démocratique, Nebojsa Medojevic, la criminalité monténégrine exhale « un parfum politique » : « il n’y a pas de frontière entre l’Etat et le crime », accuse-t-il. Un avis partagé par la Commission européenne qui, dans son dernier rapport annuel sur le pays qui ambitionne d’intégrer l’Union européenne (UE), juge que « des efforts supplémentaires sont nécessaires » pour lutter contre les réseaux criminels. Un langage diplomatique dont ne s’embarrasse pas l’opposition, pointant explicitement le rôle joué par celui qui fut à la tête du Monténégro pendant 25 ans : Milo Djukanovic.

Milo Djukanovic, après avoir alterné les postes de président et de Premier ministre pendant plus de deux décennies, l’homme fort du Monténégro a cédé sa place à l’un de ses plus fidèles lieutenants, Dusko Markovic, à l’issue des élections législatives tenues en octobre dernier. Pour ses concitoyens comme pour les connaisseurs des Balkans, Milo Djukanovic reste pourtant aux manettes d’un appareil d’Etat dont les liens avec la mafia sont avérés. La plateforme de reporters d’investigation Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) a d’ailleurs décerné le titre « d’homme de l’année 2015 en matière de crime organisé » à Milo Djukanovic, récompensé pour « avoir bâti l’un des paradis les plus dévoués à la ’’cleptocratie’’ et au crime organisé du monde ». Djukanovic est suspecté d’avoir activement participé à un gigantesque trafic de cigarettes, d’avoir fait de son pays un refuge pour les pires mafieux de la région, d’avoir privatisé une banque d’Etat au profit de sa famille dans le but de blanchir de l’argent de la drogue, ou encore de mener une chasse effrénée, et parfois fatale, à tous les journalistes qui prétendaient enquêter sur ses activités mafieuses.

Les régions et pays complices de la mafia. Pour faire fructifier l’argent des trafics il faut bien trouver des solutions et surtout des complices, des pays complices. Malte s’était attiré les foudres de ses partenaires européens en plaidant pour ralentir le rythme des réformes engagées par Bruxelles contre la fraude et l’évasion en matière d’impôts, craignant que cela n’affecte son économie. On le comprend. L’île de Malte est considérée comme un des relais de la fraude fiscale.  Selon une enquête de la presse internationale mobilisée sur les coulisses du paradis fiscal maltais. L’île privait « les autres pays européens de deux milliards d’euros de recettes fiscales par an » par le fait du silence complaisant de ses dirigeants. L’enquête portait sur de « l’optimisation et de l’évasion fiscales, du blanchiment et de la corruption », et se base sur « la liste complète des personnes et entités impliquées dans les 53.247 sociétés immatriculées à Malte ». Près de 8.000 sociétés maltaises sont contrôlées par des actionnaires italiens. Selon l’Expresso, à côté d’entrepreneurs qui ont créé ou transféré des activités bien réelles, il existe aussi une armée d’émigrés du fisc. Des émigrés de luxe. Il y a des politiques, des managers, des industriels, des financiers, des gens du spectacle et aussi un grand nombre de personnes liées à des clans mafieux ». Pour ne rien arranger voilà que des soupçons pèsent sur plusieurs de ses proches dans l’affaire des Panama Papers. Après son ministre de l’Energie et son chef de cabinet, c’est désormais son épouse qui est désormais accusée de détenir un compte off-shore au Panama.

Ailleurs, comme en Slovaquie l’assassinat de deux journalistes qui s’intéressaient de trop près a des fraudes fiscales d’hommes d’affaire du pays a été l’occasion d’une manifestation monstre dans la capitale Bratislava contre les collusions d’hommes politiques slovaques et la mafia calabraise. L’affaire rappelle celle Malta Files de l’île Malte qui favorisait une évasion fiscale massive dénoncée par le journal français Médiapart. Sous couvert d’une juridiction locale favorable, des milliers d’entreprises ont bénéficié d’avantages fiscaux sous le nez des autorités européennes. Selon un des responsables des Nations Unies de la lutte anti-drogue « la connexion entre le crime organisé et les institutions financières est établit depuis longtemps. Depuis que la mafia c’est mondialisé ». et de conclure désabusée – « Maintenant, compte tenu de l’importance des sommes en jeu, de la corruption qu’elles permettent, le blanchiment ne se cache même plus. On le trouve dans les grandes places financières comme la City de Londres ou à Wall Street ! »

Extraits archives sur les mafias en Europe de l’Est

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A propos de l'auteur

Denys

Denis Ettighoffer, est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Ses nombreux livres sont autant de contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Le voilà lancé dans une aventure comme il les aime, être reconnu à la fois par son imagination (pas le plus dur !) mais aussi comme un bon artisan de l’écriture romancée ( et ça c’est pas gagné !)

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