Evgueni Schwartz, auteur dramaturge, ne vit jamais de son vivant sa pièce, « Le Roi nu ». Ecrite en 1934, inspirée et adaptée d’un conte de Hans Christian Andersen : Les Habits neufs de l’empereur, elle comportait de possibles allusions à Staline. Elle fut interdite. Cette histoire fut reprise et arrangée à plusieurs époques afin pour certains de fustiger la crédulité des puissants et pour d’autres d’en faire un pamphlet politique. Caché sous l’apparence d’un conte — un des personnages est le « ministre des tendres sentiments machiavéliques » — « Le roi est nu » devenait un tyran imposant un mariage qui devait être magnifique, nécessitant un habit royal, hors du commun. Tout le royaume ne parlait que de ça, l’habit du roi en cours de réalisation

Deux tailleurs charlatans arrivent à convaincre le roi et ses courtisans des propriétés de cet habit exceptionnel. Un habit invisible. Personne n’ose, par peur, lui dire la vérité c’est-à-dire qu’en fait de vêtement, il n’y a rien. Ainsi « vêtu » le souverain se présente au peuple pour se faire admirer. « Le roi est nu ! » s’exclamera alors un enfant témoin de la cérémonie, exclamation qui sera reprise par la foule qui raillera le tyran. Tout le petit peuple présent donna raison à l’enfant prenant le contre-pied des courtisans. Contre toute attente l’empereur continua sa marche sans écouter la foule[1]. Le régime soviétique y reconnut Staline et interdit la pièce.

Aujourd’hui ce tsar insensible aux réalités, ce pourrait être Poutine. Un homme qui s’entête à ignorer les énormes dégâts de sa politique agressive dont l’Histoire gardera le souvenir. Le souvenir d’un homme perdu, solitaire, devenu fou dans son entêtement à détruire l’économie de son pays et celle de son voisin. Un tyran stalinien qui envoie sans remords les enfants russes à la mort, défait ses élites intellectuelles, endeuille des milliers de famille, détruit des villes et déstabilise les difficiles équilibres de la cohabitation entre les peuples. Ce fou, qui voit les démocraties comme des suppôts de Satan, entraine avec lui des hommes sans morale, qui trouvent dans sa guerre la justification pour lâcher tous leurs mauvais instincts. Des complices de sa folie qui refusent de compter les morts, les malheurs infligés aux peuples dont ils ont la responsabilité.

Qui osera dire, comme l’enfant a dit « le roi est nu » : Poutine est fou !? Nos responsables politiques n’ont visiblement pas eu l’occasion de fréquenter ou même de côtoyer des « dingues ». Moi si. Certains paraissent être sans aspérités particulières et même plutôt sociaux et agréables. Puis un jour, au cours d’une conversation, on se surprend à s’interroger sur l’étrangeté de leur propos, et un autre jour, sur leur état mental face à leurs fariboles, aux histoires parfois inquiétantes qu’ils nous racontent. On les découvre kleptomanes, affabulateurs et parfois hantés par un imaginaire d’autant plus inquiétant qu’ils arrivent à intoxiquer un entourage mal averti. Lorsque l’on prend conscience de leur folie « douce ou non » on ressent un formidable malaise et surtout une grande difficulté à en parler, à l’expliquer, à partager sa découverte. Cette personne a une apparence si « normale » que vous êtes sans cesse à vous demander comment l’aider ou protéger son entourage qui ira jusqu’à la défendre bec et ongles, aveugle d’une réalité dérangeante.

Alors, qui osera dire !? Cet homme n’est pas un chef d’État, il est un dictateur qui, perdu dans l’ivresse de son pouvoir, y voit la justification de ses actes. Dites-le. Pour un bout de terre qu’il déclare sacré en se battant contre des « satans » et des nazis imaginaires, il menace de destruction la terre entière : POUTINE EST FOU !

[1] En fait l’histoire (et ses dérivés) est plus complexe.

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A propos de l'auteur

Denys

Denis Ettighoffer, est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Ses nombreux livres sont autant de contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Le voilà lancé dans une aventure comme il les aime, être reconnu à la fois par son imagination (pas le plus dur !) mais aussi comme un bon artisan de l’écriture romancée ( et ça c’est pas gagné !)

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