Sous les régimes communistes les familles royales et leurs enfants n’eurent pas un sort bien meilleur que nombre de leurs concitoyens. En tout cas pour ceux et celles qui n’eurent pas le temps de prendre la poudre d’escampette avant que les forces du prolétariat ne s’emparent de leurs biens quand ce n’était pas de leur vie. Des décennies après cette période folle de l’histoire, qui se contentèrent d’appauvrir les uns pour enrichir les autres, on ne peut pas dire que le sort réservé à la populace durant l’époque communiste fut bien meilleur.
De leur côté, princes et rois chassés de leurs royaumes mais aussi coupés de leurs patries, de leurs racines, n’ont eu d’autres choix que devenir des roturiers, des hommes d’affaires, parfois des flambeurs utilisant le prestige de leurs noms pour se faire accueillir un peu partout. Enfin, il y avait ceux qui choisirent de rester au plus proche de la vie diplomatique et politique. C’était le cas de la famille de Florian de Cantacuzino, branche roumaine. Pendant des décennies, cette maison modeste s’était battue afin de faire reconnaître ses droits et la spoliation de ses biens dans les Carpates. Le château de la famille un temps propriété des Hohenzollern qui en avait fait cadeau au Duc de Cantacuzino à l’occasion de son mariage avec une petite-cousine de la famille des Habsbourg. Revenu de Paris où s’était exilée la famille le père de Florian avait fait des pieds et des mains allant jusqu’à la Commission Européenne, afin de faire valoir ses droits. Descendant par leur arrière-grand-père du roi français Louis-Philippe et lointain parent de Nicolas Ier de Monténégro, la famille de Florian, branche mineure mais propriétaire d’importants domaines viticoles en Bulgarie les récupéra quelques mois avant la mort du père.
Son fils, français de naissance, engagé sous le nom de sa mère Ouichine dans une carrière diplomatique qui le passionnait, n’apprécia que peu la bonne fortune qui lui tombait sur la tête. Il savait être le dernier rejeton d’une famille qui allait disparaître sauf – ne cessait de répéter sa mère – s’il se dépêchait de se marier et de lui faire des tas de petits-enfants. Cela n’en prenait pas le chemin vu la mission passionnante qu’il venait d’accepter en s’installant à Moscou. Il prit la peine de s’assurer à déléguer la gestion de ses biens et pensa à autre chose. Il avait de quoi se distraire en effet en s’attaquant à une mission qu’il devait à ses facilités exaspérantes pour les langues. Jugez plutôt. Il parlait le roumain, le français, l’anglais, l’allemand et le Russe. Talent qui lui avait valu l’attention toute particulière des services de la DGSE d’autant que ce brillant élève de l’ENA, qui se destinait à devenir un avocat d’affaires international, pratiquait le karaté dans sa forme la plus dure : le « full-contact ». Discipline qui lui valait de revenir régulièrement chez lui boitillant ou couvert d’ecchymoses. Sa forme physique et ses qualités intellectuelles firent qu’il fut approché par les services secrets un peu avant la fin de son cursus rue de l’Observatoire. Il ne pouvait s’empêcher d’y repenser sans trouver l’affaire d’une grande cocasserie.
Si la DGSI (Direction Générale des Services Intérieurs) agit sur les territoires nationaux, la DGSE (Direction Générale des Services Extérieurs) s’intéresse, elle, à tout ce qui touche aux renseignements extérieurs. Elle dépend du Ministère de la Défense là où la DGSI dépend du Ministère de l’Intérieur. Dire que c’était le beau fixe entre les deux organisations serait audacieux. Contrairement à leurs homologues anglo-saxons comme la CIA ou le M16, très immergés dans la société civile où elles recrutaient, la DGSE par tradition piochaient leurs agents dans les recrues militaires. En fréquentant à l’occasion un stand de tir du 13eme arrondissement où venait s’entrainer régulièrement un de ses amis, il fait la connaissance d’un militaire déguisé en civil. Une rencontre pas si fortuite que cela car son camarade était déjà un agent opérationnel de la DGSE recruté à l’occasion de ses classes d’élève officier. Il savait Florian de Cantacuzino très peu porté sur la chose militaire qui la considérait comme un mal nécessaire. Florian Ouichine devint un rouage essentiel de la lutte contre les mafias venues de l’Est. Pour en savoir plus
La dérive du pouvoir Russe – Ouichine avait à l’esprit la situation exécrable qui prévalait dans la capitale russe. La mauvaise humeur de Poutine n’épargnait pas grand monde. Selon la propagande du Kremlin, la Russie était envahie par des agents étrangers justifiant des discours martiaux souvent vindicatifs. Les hommes d’affaires étrangers faisaient l’objet de tracasseries permanentes, voire de procès arrangés. Business France, l’agence publique chargée du développement des entreprises françaises à l’étranger, venait de fermer son bureau de Moscou évoquant dans un communiqué, des « saisies illégales opérées sur son compte en banque » et l’expulsion de son directeur disposant pourtant d’un passeport diplomatique.
Des enseignants étrangers étaient licenciés, remerciés ou soumis à des brimades destinées à les décourager pour qu’ils quittent leurs postes. Postes immédiatement occupés par des nationaux bien vus par la pouvoir avec le risque d’un appauvrissement du tissu universitaire. Si tous les médias ne se livraient pas aux diatribes anti-occidentales, leur silence sur la dérive de la société russe était un indicateur inquiétant de la déliquescence de la démocratie dans le pays. Un pays où, de plus en plus visibles, les mafias et les réseaux de l’oligarchie mettaient le pays en coupe réglé. Une situation facilitée par le blocus imposé à la Russie et favorisant l’augmentation des trafics les plus divers. Certains n’hésitaient pas affirmer que l’on revenait au temps de la guerre froide.