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Notre société fait l’objet d’une transformation qui se caractérise par la montée de collectifs braillards et ignorants qui font plus de bruit (et de dégâts) que les communautés scientifiques et les classes savantes. Cette société se caractérise par des idiosyncrasies populaires où toute chose peut être mise en question par le premier abruti venu, le tout entretenu par des intérêts privés.

La montée de l’ignorance fragilise notre démocratieTocqueville nous avertissait déjà que la démocratie pouvait être en danger lorsque des figures insuffisantes se succédaient à la tête de l’État. À travers ses écrits, il mettait en lumière la dissolution des sociétés lorsque les élites manquent de grandeur. Cette analyse résonne encore plus aujourd’hui, alors que nous assistons à une montée de l’ignorance dans notre société, exacerbée par des collectifs bruyants et incultes qui prennent souvent plus de place que les véritables experts.

Le problème majeur de notre époque est la croissance exponentielle d’un collectif d’ignorants, souvent influencés par des croyances plutôt que par des savoirs solides. Depuis 1968, il est devenu évident que la multiplication des individus mal formés allait créer des fractures profondes dans la société. Au fil des années, les citoyens « croient » plus qu’ils ne « savent », ce qui déséquilibre les rapports sociaux et ouvre la voie à un populisme qui se nourrit de fausses informations. Ce phénomène est particulièrement visible dans des sociétés où la démocratie est en déclin en raison du manque d’implication des citoyens dans les processus démocratiques.

Maurizio Ferraris, dans son ouvrage L’imbécilité est une chose sérieuse[1], définit l’imbécilité comme un phénomène particulièrement dangereux lorsqu’il touche non seulement les individus mais aussi des collectivités qui prennent des décisions nuisibles à la fois pour les autres et pour elles-mêmes. C’est exactement ce que nous observons aujourd’hui, où des décisions politiques et sociales sont prises sur la base de croyances sans fondement scientifique, nourrissant ainsi des inégalités et des erreurs graves.

Une nouvelle fracture sociale s’est dessinée, marquée par l’opposition entre ceux qui « savent » et ceux qui « croient ». L’exemple américain est révélateur : les élites scientifiques sont progressivement remplacées par des individus convaincus par des croyances souvent absurdes. Des scientifiques sur le climat sont évincés, et des responsables de la santé publique défendent des remèdes inefficaces, remettant en cause des avancées pourtant prouvées. La science, dans ce contexte, devient une victime sacrifiée sur l’autel de l’idéologie et de la manipulation.

Le déclin de la démocratie et le pouvoir de l’argent – Dans notre société contemporaine, la démagogie, soutenue par des fortunes colossales, influence de manière décisive les élections et les débats publics. Aux États-Unis, par exemple, les financements privés dans les campagnes électorales ont donné un pouvoir démesuré à un petit groupe de milliardaires, qui façonnent la politique selon leurs intérêts.

Les sociétés démocratiques sont de plus en plus manipulées par des puissances financières. Tocqueville, déjà au XIXe siècle, soulignait que le déclin démocratique pourrait être causé par la montée d’une majorité extrémiste, exploitée par des individus ou des groupes privés qui savent jouer sur les émotions des masses. Le phénomène du Tea Party, en Amérique, illustre parfaitement comment une minorité influente peut paralyser la démocratie en exploitant la colère populaire et en l’alimentant de fausses promesses. Les élites, de plus en plus éloignées des préoccupations réelles des citoyens, sont incapables d’incarner une vision collective positive, ce qui laisse le champ libre à des idéologies destructrices.

Le pouvoir de l’argent, associé à des discours démagogiques, détruit les fondements mêmes de la démocratie. La France se trouve également confrontée à ce phénomène, où les élites politiques et économiques, liées entre elles par des intérêts communs, semblent incapables de résoudre les problèmes réels du pays. Cette situation fragilise les institutions et engendre une perte de confiance dans le processus démocratique, rendant ainsi la société plus vulnérable aux sirènes des populistes.

Ainsi, c’est une véritable inversion des rapports de force qui s’opère, où l’opinion populaire, mal orientée, devient le vecteur d’une gouvernance déconnectée des réalités rationnelles. Le résultat est un système où le choix démocratique devient de plus en plus déformé, piloté par des intérêts privés et corporatifs plutôt que par une réflexion collective fondée sur la raison.

Le populisme et la manipulation des masses – Le populisme s’est cristallisé autour d’un rejet des élites, vues comme déconnectées et corrompues. La montée des fake-news et des influenceurs, soutenus par l’argent, manipulent les perceptions collectives et accentue cette rupture entre les classes populaires et des institutions « décrédibilisées ». Le rejet de la vérité scientifique et des savoirs traditionnels, au profit de croyances irrationnelles, est un signe inquiétant de la déliquescence de la démocratie.

De leur côté, les partis à défaut de s’intéresser du sort des Français ne cessent de lancer les corps sociaux les uns contre les autres. Les syndicats, autrefois acteurs de la défense des droits sociaux, se sont souvent politisés en devenant des instruments au service de démagogues. Tous justifient leur position par des arguments souvent faussement moraux, mais qui se révèlent être des leviers pour alimenter la déstabilisation des pouvoirs publics. Le phénomène s’amplifie avec la montée des mouvements populistes sur les réseaux sociaux où des idées fausses se propagent rapidement et influencent des millions de personnes. Les gouvernements et les partis traditionnels semblent dépassés par ces nouvelles formes de mobilisation, incapables de répondre à la demande de justice sociale et de transparence. L’incapacité de la classe politique à offrir des réponses crédibles et rationnelles nourrit la montée des extrémismes et des fausses promesses.

Tocqueville, encore lui, avait vu juste en anticipant que la démocratie, faute de diversité dans les opinions et d’un espace de débat réel, pourrait conduire à un conformisme étouffant. Dans une société où la majorité impose ses vues sans remise en question, la liberté de pensée et d’expression devient menacée. Les élites scientifiques, politiques et intellectuelles, de plus en plus inaudibles, sont reléguées au second plan face à la pression des masses. Ce phénomène est visible à la fois dans les démocraties occidentales et dans les pays en développement, où la montée des populismes conduit à une remise en question des institutions démocratiques et à un renforcement des inégalités.

La liberté de l’esprit et l’exercice des droits politiques sont directement menacés par ce processus de «moyennisation » de la société. Le despotisme des masses, comme l’a souligné Tocqueville, est un danger réel, surtout lorsque les minorités agissantes au service d’intérêts privés parviennent à imposer leur vision à toute la société. L’histoire nous a déjà montré les conséquences tragiques de ce phénomène, qu’il soit sous forme de totalitarisme communiste ou de régimes populistes.

 

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A propos de l'auteur

Denys

Denis Ettighoffer, est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Ses nombreux livres sont autant de contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Le voilà lancé dans une aventure comme il les aime, être reconnu à la fois par son imagination (pas le plus dur !) mais aussi comme un bon artisan de l’écriture romancée ( et ça c’est pas gagné !)

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