Milieu des années 90, pour bien des services secrets les confrontations des deux blocs Est/Ouest passe dans une autre dimension. C’est le début de la guerre économique, du vol des brevets, du pillage des connaissances mais aussi celui des conflits dans ce qui s’appellera un jour « le cyberespace ». Les actions changent de forme, de nature, deviennent plus techniques. Les services de renseignements commencent à s’intéresser à la lutte contre les mafias. Mais la pieuvre est difficilement saisissable, protéiforme et surtout capable de corrompre grâce à l’argent et à la menace le plus digne des hommes. Cette lutte demande des investissements considérables et des appuis politiques déterminés. En Russie, la lutte contre les mafias démarrera donc plutôt lentement d’autant que nombre d’hommes politiques les craignent ou sont leurs complices. Le démantèlement de l’ancienne Union Soviétique ne facilite pas les choses. Les risques de voir les mafias négocier des matières fissibles et des armes lourdes obligent les services occidentaux à tenter de limiter la casse.
Paradoxalement cette époque amènera les services spéciaux américains et soviétiques à collaborer ensemble non sans arrière-pensées bien sûr. Cet état de fait laissera les européens se d… tout seuls, laissant un magnifique champ d’influence et d’action aux mafias de l’Est. Une sorte de Yalta de fait qui donnait à chaque grande famille leurs territoires d’action privilégiés. Aux mafias italiennes et calabraises, l’Amérique du Nord, aux mafias Colombienne et Mexicaine l’espace de l’Amérique du Sud, Au Nigériens, l’Afrique noire. L’Afrique du Sud, la mafia sicilienne associée aux pouvoirs politiques, alliances que l’on retrouvera dans les Etats russes découpée en zones d’influences et où vont proliférer des gangs aux visages parfois contrastées mais toujours considérés comme parmi les plus sauvages et cruels de toutes.
L’explosion du terrorisme un peu partout dans le monde va brutalement changer la donne pour les uns comme pour les autres. L’attentat du World Trade Center du 26 février 1993 va provoquer un électro choc. A l’époque, les services spéciaux américains sont plutôt tournés vers le renseignement économique et s’investissent dans la pénétration des réseaux informatiques. Les services de police vont devoir revoir toutes leurs procédures, leurs outils et leurs méthodes afin de faire face à la prodigieuse influence des réseaux sociaux utilisés par les fous de Dieu et les mafias via internet. Face à la lutte contre le terrorisme politique et religieux les services secrets vont devoir se reconvertir. Une autre époque commence. Celle de la porosité entre les deux mondes. Celui des gangs et celui des extrémistes religieux, les uns essayant de tirer le meilleur parti de la situation. Comme le dira un jour l’inspecteur allemand Spinnel, « On ne sait pas toujours qui tire les marrons du feu ». Qui dit mafia, narcotrafiquant ou terrorisme, dit flux financiers, les deux fonctionnent grâce à de l’argent. Beaucoup d’argent.
Repérer puis suivre les centaines de milliards de dollars de fonds illégaux de toutes origines n’a rien de simple car les acteurs économiques les plus divers, soucieux de discrétion, n’ont aucune intention de faciliter les choses et font pression sur les politiques pour empêcher sinon limiter les curiosités du fisc et des États, ce qui arrange bien les mafias. L’arrivé des crypto-monnaies et leurs capacités d’opacité, va devenir un véritable cauchemar pour les services secrets qui vont devoir se tourner vers d’autres modes d’action. Là encore, ironie des choses, c’est l’action humaine, le travail des agents sur le terrain qui avait été un peu abandonné, qui va s’avérer la plus pertinente et la plus efficace des solutions.