L’un a la rage de vaincre, l’autre la crainte de perdre. Avons-nous un tempérament de vainqueurs ou de vaincus ? On attribue cette phrase à Machiavel : « On perd plus souvent par sa propre faiblesse que par la force de son adversaire ». La rage de vaincre est le premier des moteurs du vainqueur. L’avons-nous bien compris en ce moment de tension extrême ? La puissance technologique ne suffira pas si la défaite est dans nos gênes.

La Science-Fiction militaire est une branche de la SF qui a inspiré de nombreux auteurs. La plupart ont été chercher les sources de leurs inspirations dans les documents militaires spécialisés comme David Weber et Jack Campbell. D’autres, comme Tom Clancy, les ont trouvées dans leurs excellentes relations avec les militaires américains. Certains s’intéressent aux « manœuvres et techniques militaires » comme dans la série Honor Harrington de Weber ou avec La Stratégie Ender d’Orson Scott Gard. Curieusement l’armée est souvent présentée comme l’instrument ultime de la régulation politique face aux dérives des pouvoirs à l’exemple de la Saga Vorkosigan de Lois McMaster Bujold. La balance entre le bien et le mal est toujours respectée… mais pas dans la réalité, ne l’oublions pas ! Face aux horreurs que peut nous imposer un adversaire sans foi ni loi animé par la volonté de détruire y compris sa propre population, il est bon de s’interroger de savoir si notre société a encore un mental de vainqueurs !

Jack Vance est une figure mythique de la SF et de séries toutes aussi originales les unes que les autres. En 1958, dans Les langages de PAO il décrit une intrigue de succession qui laisse sans défense la planète pacifique qu’est PAO. Envahie par un peuple belliqueux, la population est incapable de comprendre et de combattre leurs envahisseurs et se laisse dominer sans se révolter. Afin de transformer cette société pacifique l’auteur imagine leur mobilisation en leur inculquant le langage guerrier contre leurs occupants. Des écoles clandestines sont créées un peu partout afin de créer un langage de la résistance des populations. Le livre n’est pas le plus réussi de Vance. Il faut dire que le sujet est et reste complexe. Pourtant il est devenu un objet d’études et les langages de PAO un sujet qu’explore quotidiennement  Frédéric Landragin spécialiste en linguistique.

Revenons à notre époque. Il y a quelques temps la presse s’est faite l’écho des conclusions de la Red Team, un groupe d’auteurs de SF « mobilisés » pour mettre leurs imaginaires au service de l’armée française. Bon, on n’en connaitra pas les conclusions sous embargo, des fois que cela donnerait des idées aux méchants. Ce que j’en retiens, ce que je crains, c’est une vision romanesque de la technologie. Les méchants ne sont pas forcément des organisations disposant de techniques élaborées mais de la ruse et au moins autant d’imagination que les gentils. Les initiatives innovantes des Ukrainiens et des nombreux acteurs des « conflits de basse intensité » nous le démontrent constamment.

Supprimer le pilote dans l’habitacle d’un avion qui sera piloté à distance ne sauve que sa vie. Ce dernier y gagnera le confort du combattant sans effort ni la mobilisation de son courage. Ces technologies nous font courir le risque de la perte des qualités essentielles à notre survie : la gagne ! Le problème que pose les conflits en cours et à venir est celui de la force de caractère des élites et de la société en général. Nous n’avons pas de grammaire particulière pour donner du courage à des populations vivant dans l’édredon moelleux de l’époque. Les Athéniens furent vaincus par les Spartes, peuple de guerriers habitués à l’austérité et admirés jusqu’à nos jours. Thème fascinant qui renvoie vers la chanson de Michel Berger « Résiste » chanté par France Gall. Un sujet d’actualité mais en avons-nous conscience ?

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A propos de l'auteur

Denys

Denis Ettighoffer, est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Ses nombreux livres sont autant de contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Le voilà lancé dans une aventure comme il les aime, être reconnu à la fois par son imagination (pas le plus dur !) mais aussi comme un bon artisan de l’écriture romancée ( et ça c’est pas gagné !)

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