La sublime porte entre l’Asie et l’Europe ou vit une population venue de multiples horizons avide de se trouver un destin digne de son passé. A l’instar de Rome et d’Athènes, Istanbul, fille de Byzance et de Constantinople rêve de retrouver son flamboyant passé. Lorsque Mustafa Kemal Atatürk lançait les turcs sur la voie d’’un Etat laïque, il songeait sans doute à débarrasser son pays de la lourdeur des traditions qui freinaient le dynamisme de son peuple. Mais Allah qui régnait sur les âmes a décidé de gouverner les hommes. Les barbes réapparaissent, les femmes voilées sont de plus en plus nombreuses, les menaces de l’intransigeance religieuse se font plus visibles. Alors que le pays se détourne progressivement de l’Europe, combien de temps encore tiendra la tolérance orientale qui fait le charme de la ville et de la population, tout comme l’on constaté les visiteurs en Egypte.

Jadis, le « sultan d’Ankara » – comme le désignait non sans ironie Malto Gümüs[1] – aurait été se loger dans le palais de Topkapi, un complexe à la pointe de la Corne d’Or, ville dans la ville, qui fut la résidence des pachas et de leurs harems avec d’immenses annexes qui abritaient toute la domestiquée. Mais la rivalité entre les deux villes penche pour une victoire de la nouvelle capitale Ankara fondée par Atatürk. Le sultan et dévot Erdogan y a fait construire son propre palais qui se veut tout aussi impressionnant que celui de Topkapi. Il compte un millier de pièces réparties sur 200.000 m². « On se demande bien pourquoi puisqu’on n’y trouvera jamais de harems et d’énuques », se moquait le parrain de Raveszac.

En ce début du XXIe siècle, la Turquie reste le seul État stable et fort de la région. La majorité des pays limitrophes restent économiquement fragiles, tiraillées par des tensions régionalistes et emberlificotés dans des luttes entre mafias locales, gouvernants empêchés et interventions étrangères. La magnifique et effervescente Byzance, témoin et actrice d’une histoire tourmentée fait encore illusion, mais pour combien de temps ? Aujourd’hui les riches familles stambouliotes, les magandas – ou les nouveaux riches – fuient une ville tenue par le Refah islamiste et envahie par les ruraux qui lui servent d’électeurs. La riche bourgeoisie s’installe vers Kanlica au milieu de Bosphore. Vivants à l’européenne, Elle y trouve une douceur de vivre qui tend à ignorer le flux des immigrés qui ont colonisés et défigurés la vieille cité. Ces privilégiés veulent aussi ignorer, qu’en face d’eux, la mer du détroit est de plus en plus polluée qui asphyxie toute vie. Aux beaux jours, Ils quitteront leur « yalis », ces maisons en bois construites au bord de l’eau, pour s’installer sur les îles des Princes au large de Marmara. Verrou stratégique pour tous les pays riverains, c’est sur les rives de ce Bosphore que se sont forgés les grandes voies de transhumances commerciales entre l’Orient et l’Occident. Mais c’est aussi une région d’où arrivent et partent les exodes de millions de malheureux, Kurdes, arméniens, syriens, irakiens, anatoliens, macédoniens, chassés de leurs terres devenus marchandises dont on négocie les transhumances comme on le ferait du bétail.

[1] Voir La pianiste de la Légion Rouge

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A propos de l'auteur

Denys

Denis Ettighoffer, est un des spécialistes français reconnus dans l’étude projective de l’impact des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication). Ses nombreux livres sont autant de contributions à la réflexion sur les évolutions des sociétés, des modèles économiques et organisationnels. Sa spécificité réside dans sa capacité à analyser le présent, pour en extraire les orientations économiques et sociétales stratégiques pour les décennies à venir. Le voilà lancé dans une aventure comme il les aime, être reconnu à la fois par son imagination (pas le plus dur !) mais aussi comme un bon artisan de l’écriture romancée ( et ça c’est pas gagné !)

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